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Ludovic Garcia : échec au stress

Article paru dans RUGBY MAG (n° 1135 de juillet 2014)

Echec au stress

Blessé en mars 1998 à l’âge de 29 ans, le Provençal Ludovic Garcia reste attaché au rugby, même il s’adonne aujourd’hui à une autre passion où il déplace pièces et pions. 

« J’ai joué aux échecs durant six ans dans un club quand j’habitais à Montpellier. J’avais retrouvé cette adrénaline que me procurait le rugby. Après avoir arrêté, j’ai repris il y a deux ans, mais là je joue avec l’ordinateur. Cela me fait beaucoup de bien et me permet d’évacuer tout le stress ».

Ludovic Garcia avait 29 ans quand il a été blessé le 15 mars 1998 lors d’un match de Division d’Honneur opposant l’Entente Provençale Manosque Rugby, club dont il portait alors les couleurs, à Antibes sur la pelouse du stade de La Rochette, à Manosque. « On menait largement. J’avais été talonneur titulaire durant la saison et ce jour-là, j’étais remplaçant. Après la blessure d’un joueur, je suis rentré à un quart d’heure de la fin. Sur une mêlée ordonnée, après un coup de casque avec mon vis-à-vis, j’étais un peu sonné et je n’ai pas pu mettre ma tête à l’abri quand la mêlée s’est écroulée, explique-t-il. Mes vertèbres cervicales C4-C5 ont été brisées. Il y a eu compression de la moelle ». Resté conscient, Ludovic est évacué en hélicoptère à l’hôpital de La Timone, à Marseille, où il est opéré. « Après la greffe osseuse, il y a eu des complications pulmonaires. Je suis resté trente-trois jours en réanimation avant de rejoindre la clinique Saint-Martin ». Il va séjourner un an et demi dans cet établissement de réadaptation fonctionnelle neurologique. « Seul mon bras gauche bougeait et, après neuf mois, j’ai récupéré des mouvements de bras et de doigts. C’est ce que le corps médical appelle une tétraplégie incomplète, mais je suis en fauteuil ».

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LE CLUB DES CINQ

Plaquiste auprès de son père artisan avant l’accident, Ludovic Garcia essaie de reprendre une activité dans l’entreprise familiale. « Mais j’étais perturbé et je n’arrivais pas à me concentrer », précise-t-il. Il décide alors de partir à Montpellier avec son épouse paraplégique, rencontrée à la clinique Saint-Martin. « Nous nous sommes mariés le 29 septembre 2000. Mais alors que mon épouse avait repris son activité d’enseignante d’espagnol et que nous avions reçu l’agrément pour adopter un enfant, elle est décédée d’un cancer ». Ludovic Garcia décide alors de revenir à Salon. Pendant toutes ces années, il n’avait « jamais lâché le rugby » et il allait voir des matchs de Montpellier. « Je suivais aussi Manosque et, de temps en temps, j’assistais à des fêtes du club car il a toujours été à mes côtés, à l’image de mon entraîneur de l’époque, Lucien Beltritti, qui venait me voir régulièrement à la clinique Saint-Martin » Ludovic évoque également le groupe de cinq copains qu’il forme avec Jean-Michel, Fabrice, Laurent et Jean-Pierre. « On a joué ensemble des cadets jusqu’en seniors. On a toujours été ensemble et on l’est encore, même si nous avons maintenant des vies différentes. Mais chaque année, on se voit au moins une fois pour un repas ». Il tient à rappeler le rôle primordial de son père, qui venait le voir chaque jour pendant deux ans après son accident. Ludovic Garcia assiste tous les ans à l’assemblée générale de Rugby Espoir Solidarité, « je viens avec mon amie, avec laquelle je vis à Salon-de-Provence avec ses deux enfants. Quand on est à la recherche de repères après son accident, c’est très important d’avoir des interlocuteurs capables de répondre à vos questions. On s’aperçoit que des gens en fauteuil peuvent avoir une vie autonome et cela m’a permis de me reconstruire ». Son regard est tout aussi positif sur l’action de la Fondation Albert Ferrasse. « Son aide financière est indispensable et il y a aussi tous les gestes à notre égard, comme la possibilité d’assister à des matchs de l’équipe de France. J’ai pu amener mon père pour un France / Pays de Calles au Stade de France et c’est un grand souvenir », observe-t-il. Ludovic Garcia a choisi de regarder devant lui, bien décidé à continuer à avancer tel un joueur d’échecs cherchant le meilleur coup possible.

Journaliste : F. Chiocca – photo : Antoine Roullet